Interview ambassadeur Panerai, Arthur Guérin-Boëri, le temps pour compagnon

Par VDB | le 24/04/25

Suite à notre interview de leur ambassadeur historique, Mike Horn, réalisée sur le salon Watches & Wonders 2025, la manufacture Panerai nous a également proposée d’échanger avec les tout juste annoncés (et même quelques jours avant l’annonce officielle !) Arthur Guérin-Boëri et Kauli Vaast. L’occasion était bien entendu trop belle pour ne pas la saisir, voici donc pour commencer notre discussion avec l’apnéiste Arthur Guérin-Boëri. Athlète, explorateur et conférencier inspirant, il détient huit records du monde en apnée, dont deux établis sous la glace dans des conditions extrêmes. Mais son parcours dépasse aussi le cadre du sport : à travers sa série documentaire L’Odyssée Salée, il explore les cultures liées à l’océan et sensibilise le public à la fragilité des écosystèmes marins. Conférencier passionné, il partage ses connaissances sur la résilience et la force mentale, incarnant l’esprit d’exploration et le lien profond de Panerai avec la mer.

WatchEmotion : Bonjour Arthur, heureux d’avoir l’opportunité d’échanger avec toi, commençons donc par une question très simples, comment devient on ambassadeur de la marque Panerai quand on a ce parcours d’apnéiste multi-médaillé ?

Arthur Guérin-Boëri : Oh bah écoute ce n'est pas un partenariat qui a commencé comme ça du jour au lendemain. A vrai dire pour l'instant il n’a même pas encore commencé parce qu’il ne sera officiel qu’après-demain (rire) ! Mais c'est vraiment un terrain qui a été préparé longuement en amont, puisque ça fait près de 10 ans maintenant qu'on se connaît avec la maison Panerai, mais ce partenariat se concrétise aujourd’hui, ce dont je suis ravi. Ca a été de longues discussions, pas pour négocier quoi que ce soit, mais pour apprendre à se connaître sur la durée, et pour être sûr que ça « match » bien. Dans l’intervalle j'ai fait plein de choses, eux aussi bien entendu, il y a eu mon camarade Guillaume Néry qui a été ambassadeur pendant longtemps, donc ça s'est vraiment développé sur la durée, sans précipitation, mais avec du fond et des fondations solides.

WE : Et quel est ce fond justement ? Ces fondations, une philosophie commune ? 

AGB : Oui tout à fait, et des produits aussi parce qu’ils sont importants, au centre de la collaboration même. Des montres qui reflètent une certaine « Italianité », si j'ose dire. Je suis italien d'origine, enfin à moitié italien, je retrouve donc une solidité, une certaine virilité dans la conception des produits, qui me correspond assez, qui laisse transparaître un goût affirmé pour l'aventure, la prise de risque, l'audace d'une certaine manière, et l'inconnu. C'est donc un petit peu tout ça les bases de ce partenariat. L'impression de robustesse et de force qui se dégage de ces boîtiers assez imposants mais que j'aime beaucoup, et les valeurs qui vont avec, ce sont les valeurs de la marque et qui sont finalement aussi les miennes. Ces valeurs justement d'authenticité, de virilité, de corps et d'esprit, avec cet esprit latin. Et puis ce gout pour l'aventure, pour la découverte, le sport d'une manière générale, bien entendu axé vers le grand large, parce que c'est aussi ça qui nous rapproche. Panerai et moi, ce sont aussi des univers qui concordent autour d'un amour pour l'océan, l’eau en général, salée en particulier.

 

WE : Restons sur l’objet justement, ces fameuses montres Panerai, avant même d’êtres ambassadeur, tu les utilisaient déjà  en tant qu'outil de plongée ? 

AGB : Oui bien sûr, aujourd'hui, je porte une Luminor Marina, de la collection qui a été présentées sur le salon, mais pour plonger au quotidien j'utilise une submersible, une Luna Rossa exactement, qui a été développée en partenariat avec l'écurie de la Coupe de l’America. Ce que j'adore, ce qui m'a sauvé d'ailleurs plusieurs fois, enfin ce qui a sauvé la montre, c'est la protection de couronne. J'avais déjà noyé plusieurs montres par le passé parce que je suis tout le temps dans l'eau, et que je ne vérifie pas chaque fois que je revissais bien ma couronne, donc la protection de couronne Panerai est vraiment un « plus » très ingénieux. C’est un outil marketing formidable parce qu’utile pour les plongeurs, ça l'est vraiment concrètement pour moi, je ne noie plus mes montres ! A chaque fois que je saute à l’eau, plus la peine de vérifier si la couronne est bien vissée. C'est vrai que pour le coup, ce qui fait le l'originalité visuelle de la marque aujourd'hui avec les Luminor  et les Submersibles, c'est beaucoup ce protège couronne, et pour moi il est concrètement utile. Celles que j’ai noyé n’'était pas des Panerai à l’époque, donc je suis ravi aujourd'hui d'avoir cet outil. Après c'est vrai que ce sont des montres robustes, je dois t'avouer que j'ai abîmé plusieurs montres par le passé, de marques différentes voir concurrentes, parce que je les aient soumis à des conditions de pression qui vont, à mon niveau, jusqu'à sept ou huit bars, sur des changements de pression très rapides, puisque je descends vite et je remonte vite. Il y a donc cette contrainte, changement de pression mais surtout changement de pression brutale. Et pour couronner le tout, il y a des températures qui parfois vont être assez extrêmes parce que il peut m'arriver de plonger dans des eaux inferieurs à un degré, donc au niveau des joints d'étanchéité notamment, qui peuvent se rétracter. Et si j'ai abîmé plusieurs montres par le passé, je n'ai encore jamais abîmé une Panerai, donc je suis ravi, pour l'instant ça tient le coup. C’est pour toutes ces raisons que finalement, matériellement parlant, c'est un partenariat en adéquation avec mon activité. Et puis au delà de l’apnée, je voyage beaucoup, je fais beaucoup de sport d'une manière générale, c'est vrai que la robustesse des boîtiers est pertinente par rapport à tout ça.

WE : Pourquoi le Luna Rossa spécialement, c'était un choix esthétique ? 

AGB : Je voulais que ce soit une Submersible, qui m'accompagne dans mes plongées au quotidien, et on avait plusieurs modèles à disposition, mais on a décidé avec Panerai France que ce serait celle-ci, dont l’esthétique me plaisait. J'aime beaucoup le bracelet avec la signature Luna Rossa, le cadran bleu irisé est magnifique, esthétiquement parlant ça me correspondait.

WE : Nous parlions à l’instant de Panerai, mais les montres au sens large, c’est une passion ou est-ce que c'est venu par ton activité ? 

AGB : Je vais être tout à fait tout à fait honnête. Ce n'est pas une passion comme je pourrais avoir une passion pour l'apnée, la musique ou même pour l'automobile par exemple. Mais c'est vraiment un intérêt, c'est à dire que ça grandi au fur et à mesure du temps, sans mauvais jeu de mots, avec ma carrière d'apnéiste, un intérêt qui a commencé je dirais, dans les années 2013-2014, c'est à dire à peu près deux ou trois ans après avoir commencé l’apnée sérieusement. J'ai commencé à voir effectivement que les horlogers avaient quasiment tous des collections plongeuses. J'ai donc commencé à m'intéresser à l'histoire des Divers, à l'histoire des Marques, à l'histoire de l'horlogerie de manière générale, j'ai vraiment commencé à m'intéresser à l'horlogerie à ce moment-là. Comment était composé une montre, comment ça fonctionnait, comment fonctionne un mouvement, quelles sont les grandes marques, leur histoire, et c'est là que j'ai commencé à aimer les montres finalement.

WE : un peu sur tard, en t’intéressant à l’outil. 

AGB : Un peu sur le tard oui , un peu par l'outil. Mais en m'y intéressant j'ai appris à aimer ça, parce que souvent quand on ne connaît pas, on n'aime pas, on ne s'y intéresse pas. Finalement, on commence à aimer et à s'y intéresser en apprenant. C’est en creusant le sujet que j'ai appris à m'y intéresser. C'est comme ça que ça c’est passé. Parfois on ne s'intéresse pas particulièrement aux voitures par exemple, puis on en conduisant on s'y intéresse pour finalement les aimer, et bien là c’est pareil, j'ai appris comme ça. Encore faut il que ce soit des voitures intéressantes, comme pour les montres.

WE : donc pas au point que ce soit une passion, ni une collection mais quand même une vraie culture, un vrai intérêt. 

AGB : En fait. Je n'ai pas envie de dire que c'est une passion parce que je ne rêve pas jour et nuit d'horlogerie, comme je rêve jour et nuit de musique, d'apnée, ou d’automobile, mais ça m'intéresse beaucoup. J'aime avoir une jolie montre, me balader dans des salons d'horlogerie, discuter avec Panerai de montres, rencontrer des horlogers et notamment des artisans, des gens qui travaillent dans l'horlogerie, pour aller apprendre à leur contact comment c'est conçu, comment ils fabriquent une montre. Mais pour moi, quelqu'un de passionné, c'est quelqu'un qui est qui est né avec ça, vit pour ça, travaille d'ailleurs dedans bien souvent, et qui, sans aller jusqu’à dire qu’il ne vit que pour ça, est animé par ça en permanence. En toute honnêteté, j'adore l'horlogerie, mais j'estime que ma connaissance dans l'horlogerie n'est pas assez approfondie pour dire que je suis passionné. Je suis quelqu'un qui apporte énormément de d'importance à la légitimité, à la crédibilité dans ce que l’on fait, et je ne m'estime pas assez connaisseur d'horlogerie pour dire que je suis un passionné. Je ne pourrais pas te dire tel modèle est équipé de tel mouvement, fabriqué à tel endroit, qui existe depuis tant d'années. Je ne peux pas te sortir tout l'historique comme ça, j’en suis incapable. Je peux le faire en apnée, en musique, en voitures, parce que ce sont des sujets dans lesquels je suis passionné. Le jour où j'aurai ce degré de connaissance dans l'horlogerie, ce qui arrivera sûrement au rythme auquel je m'y intéresse, peut être que dans dix ans ce sera le cas, je pourrais enfin te dire que je suis passionné d'horlogerie, avec ce bagage de connaissances. Là, ça fait à peu près dix ans que je m'y intéresse, j'ai un degré de connaissance correct, mais je m'y connais sûrement moins que toi par exemple, donc je peux pas dire que je suis passionné, ce n'est pas l'intérêt qui manque, ce sont les connaissances. Je pourrait peut être dire que je suis passionné par mon intérêt, mais pas encore par mon bagage de connaissances techniques. Je sais rester à ma place, je suis un athlète, ambassadeur pour la marque Panerai, et je prends le temps de m'y intéresser sérieusement parce que j'aime ça, mais je ne peux pas encore dire, je suis un passionné d’horlogerie, tu comprends pourquoi, et je l'assume complètement.

WE : Une dernière question par rapport au temps. Tu es justement un athlète, et par principe, les athlètes ont toujours un rapport particulier au temp, mais dans ce que tu fais, il n’est même pas particulier, mais fondamental, parce que là c’est ton intégrité physique qui est en jeu, pas juste une performance, donc quel est ton rapport au temps ? Comment tu fais la part des choses entre être ici tranquillement sur le salon, ou préparer une plongée, et cette plongée elle-même, la notion de temps est elle vraiment différente pour toi ? 

AGB : Mon intérêt est double. Forcement je m'y intéresse par rapport à mon sport, puisqu’il est étroitement lié au temps. Cette notion est évidemment omniprésente dans l'apnée, que ce soit en distance que j'ai beaucoup pratiqué, ou en apnée profond que je fais beaucoup plus aujourd'hui, même en apnée statique, peut être plus d'ailleurs puisque ce n'est que le temps qui passe. Donc la notion des temps est très importante, ce qui fait que je m'y intéresse. Et puis je m'intéresse aussi à la notion de temps physique. Je ne suis pas physicien malheureusement, mais je pense que si je l'avais été, je me serais spécialisé justement dans cette notion de temps, qu'est-ce que le temps concrètement ? Parce qu'il y a eu un début à tout, est-ce qu'il y aura une fin à tout, comment le temps se déroule ? Pour moi, pour toi, pour la personne qui est là-bas. Le temps physique lui aussi m'intéresse, le temps relatif, etc… Le temps lui même, cette notion physique, et même métaphysique d'ailleurs, in fine, quand on réfléchit au temps, ça devient métaphysique.

WE : J’aurais aimé en trouver un peu plus justement, de temps, mais on me fait signe qu’il est écoulé, alors juste un grand merci pour cette discussion.